Shinichiro Shirakura et Kiyoshi Tane parlent plus en détail de la « fin » des Super Sentai.

La franchise Super Sentai s’achève avec Sentai No.1 Sentai Gozyuger. Shinichiro Shirakura (Président Exécutif des séries à effets spéciaux et Directeur Commercial Général de Toei) s’exprime lors d’une interview sur les raisons de cette décision. Pourquoi l’histoire de ces héros, diffusés depuis 50 ans, touche-t-elle à sa fin ? Quels sont les événements qui ont freiné la progression des Sentai ?

Adaptation de l’interview du site Asahi

Cette année marque le 50ème anniversaire du premier Sentai, « Himitsu Sentai Goranger ». La fin de Gozyuger l’année prochaine, signifie-t-elle la fin des séries Super Sentai ?

Non, je ne pense pas que ce soit la fin des Sentai. La franchise est simplement en pause et pourrait éventuellement être relancée. Des rumeurs sur « la fin du Sentai » ont commencé à circuler en octobre, avant même une quelconque annonce officielle. J’ai vu quelques réactions et je suis heureux de voir à quel point le Sentai est apprécié.

Si la franchise revient un jour, je pense qu’il serait préférable d’attendre une dizaine d’années.

Pourquoi ?

Les limites du Sentai sont devenues évidentes. Nous avons exploré diverses pistes pour les surmonter, mais nous devons repenser fondamentalement notre approche.

Vous avez tenté d’innover avec Kikai Sentai Zenkaiger. Un seul des cinq membres de l’équipe est humain, tandis que les autres sont des formes de vie mécaniques. C’est donc devenu un défi constant de raconter l’histoire d’une équipe entière ?

Nous avons tenté de relever certains défis qui pourraient être considérés comme de nouvelles tentatives de faire évoluer une équipe. Mais pour bien exploiter cette nouveauté, les spectateurs doivent être familiers avec les codes. Comment ces codes peuvent-ils être compris par tout le monde si nous tentons quelque chose de différent ?

Tout le monde connaît les Super Sentai, mais pas tout le monde en comprend réellement le contenu ?

C’est là le problème fondamental du genre. Parce qu’il existe depuis 50 ans, il est devenu une partie intégrante de la culture japonaise. Tout le monde est capable d’imaginer cinq héros colorées quand on leur parle de Super Sentai. Et ça prouve que sa popularité est profondément enracinée dans notre culture.

Mais ça s’accompagne également d’une peur : celle de ne plus regarder régulièrement parce que ça tourne en rond.

C’est toujours diffusé à la même heure, le même jour, toutes les semaines. Bien qu’il y ait des évolutions pour suivre les tendances modernes, l’intrigue principale reste largement la même. Je regardais quand j’étais petit, puis j’ai arrêté en grandissant. Lorsque je suis devenu père, j’ai regardé avec mes enfants, et j’ai trouvé la formule inchangée. Ça m’a rassuré, parce que ça m’a empli de nostalgie. J’ai même espéré que cette formule ne change jamais.

Pour une œuvre aussi vivante, rester dans cet état de stagnation est dangereux. Puisque la direction que prend l’histoire est prévisible, il ne devient pas nécessaire de regarder chaque épisode. Le manque de nouveautés et le fait que « tout est acquis d’office » n’est pas rassurant, bien au contraire. C’est une crainte pour les créateurs.

L’important n’est pas de se démarquer dans le cadre traditionnel du super-héros, mais plutôt de réfléchir à ce qui compte réellement pour les enfants en 2025, pour le Japon et pour le monde.

Dans les années ’90, la franchise était déjà à bout. Tout le monde travaillait en se disant que Zyuranger pourrait bien être la dernière série Sentai. Les jeunes de l’équipe ont alors tenté quelque chose d’inédit : ajouter un sixième guerrier. L’ajout de ces « guerriers additionnels », ainsi que les équipes de plus de cinq membres, sont aujourd’hui devenus monnaie courante. Mais à l’époque, nous n’imaginions absolument pas que ça se perpétuerait pendant 30 ans. C’est probablement grâce au succès inattendu de Mighty Morphin Power Rangers.

Toei possède l’expérience nécessaire pour produire des équipes de super-héros. Mais parfois, cette expérience peut freiner la naissance de quelque chose de nouveau. Je pense que l’ancienne génération devrait se retirer, et qu’une nouvelle devrait concevoir des équipes entièrement novatrices. C’est pourquoi je ne pense pas que les équipes de super-héros telles qu’elles ont été vues et revues dans le Super Sentai devraient être relancées dans les dix prochaines années.


Les Super Sentai, héros admirés par de nombreux enfants au même titre que Kamen Rider et Ultraman, tirent leur révérence. Pourquoi ? Kiyoshi Tane, écrivain de plusieurs essais sur les animes et les jeux vidéo, tente de l’expliquer.

Adaptation de l’interview du site Livedoor

Un conflit de générations ?

L’annonce de la fin du Super Sentai a suscité des réactions très diverses, des adultes qui la suivent depuis longtemps aux enfants qui la regardent encore. Nombreux sont les parents et les enfants qui gardent de tendres souvenirs de la franchise, comme en témoignent des commentaires tels que « Je suis triste » et « Je la regardais avec mes enfants ».

Parallèlement, des commentaires comme celui-ci ont fait leur apparition en ligne :

« J’ai entendu dire que le Sentai s’arrêtait, alors je me suis renseigné, et j’ai été choqué par les faibles audiences… Ils ne vendront pas de jouets avec des audiences aussi faibles, et les sponsors vont se retirer… Je me demande ce que font les enfants aujourd’hui s’ils ne regardent pas la télévision… »

Bien qu’il n’existe pas de chiffres officiels concernant les audiences moyennes, l’épisode 36 de Gozyuger a enregistré une part d’audience moyenne de seulement 1,9 % (selon Video Research, région de Kanto), ce qui est très préoccupant.

C’est également vrai pour d’autres séries de super-héros, mais la raison principale est sans aucun doute le déclin de la population enfantine, qui constitue le public principal. Autrement dit : la baisse du taux de natalité. Les ventes de jouets représentaient autrefois une source de revenus importante pour les séries de super-héros, mais avec la récente prolifération des jeux gratuits sur smartphones et tablettes, nous pensons qu’un nombre croissant d’enfants se désintéressent des jouets.

Bandai et Power Rangers

Selon les données du groupe Bandai Namco, les ventes de jouets Sentai ces dernières années ont avoisiné les 6,5 milliards de yens. À titre de comparaison, Kamen Rider génère environ 30 milliards de yens et Ultraman entre 14 et 20 milliards de yens, ce qui place le Sentai en net retrait. Alors, pourquoi les jouets Sentai sont-ils à la traîne par rapport aux autres séries de super-héros ?

Pour Power Rangers, les droits de fabrication des jouets étaient initialement détenus par Bandai, au Japon. Grâce à son succès mondial, les ventes de jouets dépassaient les 20 milliards de yens (Zyuranger inclus), atteignant des chiffres comparables à ceux de Kamen Rider et Ultraman.

Cependant, en 2018, le géant américain du jouet Hasbro a acquis les droits de fabrication pour le reste du monde (hors Japon et certaines régions d’Asie), entraînant une perte importante pour Bandai sur les ventes de Power Rangers. Cet incident a provoqué une chute brutale de moitié des ventes, conduisant à la situation actuelle où Bandai est en grande difficulté.

D’après les bilans financiers de Bandai pour 2017 (avant l’acquisition des droits par Hasbro), les ventes mondiales de jouets Super Sentai et Power Rangers s’élevaient à 21 milliards de yens pour l’année (dont 8,8 milliards pour le seul marché japonais). Il semble que la perte de tous les droits, y compris ceux relatifs aux jouets, au profit de Hasbro ait été un coup fatal qui a distingué Kamen Rider des autres séries.

D’ordinaire, les séries Super Sentai mettent en scène cinq héros. « Uchu Sentai Kyuranger » en a présenté neuf, diversifiant davantage les personnages. Une augmentation du nombre de personnages aurait dû entraîner une plus grande variété de jouets, une augmentation des ventes. Elles l’ont été durant la première moitié de la série en raison du grand nombre de produits, mais elles ont vite ralenties, ce qui n’a pas entraîné d’augmentation significative. La raison est simple : plus il y a de produits, plus les coûts de développement augmentent, si bien qu’au final, les ventes ont tendance à ne pas suivre les coûts.

Kamen Rider intéresse davantage

Si les jouets Kamen Rider connaissent une forte demande de la part des « adultes-enfants » (qui achètent des jouets pour eux, en plus de ceux pour leurs enfants), ce n’est pas le cas pour les jouets Sentai. Kamen Rider est principalement vendu en tant que « roleplay », notamment avec les ceintures de transformation. Ces jouets sont très demandés non seulement par les enfants, mais aussi par les parents nostalgiques. C’est pourquoi Bandai a sorti des modèles pour adultes, les « Complete Selection Modification » (qu’ils surnomment « ceintures de transformation pour adultes »).

Mais les jouets Sentai sont difficiles à collectionner en raison de leur grand nombre, et les collectionneurs adultes sont hélas peu nombreux.

Pour les adultes, un large choix n’est pas toujours un avantage. Ils privilégient les articles faciles à comprendre et à acheter sans hésitation. Par conséquent, l’incapacité des jouets Sentai à séduire les adultes est probablement l’une des raisons de leur échec récent sur le marché du jouet.

Le 24 novembre, Toei a annoncé « PROJECT R.E.D. », une nouvelle franchise qui remplacera le Super Sentai. Compte tenu de la faible croissance du marché des jouets, pourtant une source de revenus importante pour les œuvres de super-héros, il sera intéressant de suivre de près l’évolution de cette nouvelle marque.

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