Il y a quelques jours, le public japonais était invité à écrire des questions au producteur Shinichiro Shirakura, maintenant Président Exécutif et Directeur Commercial Général de Toei.

Il y a répondu lors d’une vidéo diffusée en exclusivité sur le Toei Tokusatsu Fan Club, dont voici une retranscription.


Bonjour, M. Shirakura, pouvez-vous vous présenter ?

Je m’appelle Shinichiro Shirakura. Je suis un pauvre vieil homme que le Toei Tokusatsu Fan Club a forcé à venir ici pour répondre à des questions. Enchanté.

Nous avons beaucoup de questions à vous poser. Êtes-vous prêt ?

J’ai entendu dire que nous avons reçu des centaines de questions, ce dont je suis vraiment reconnaissant, car cela signifie que les secrets de Toei sont encore aussi sombres et mystérieux que les profondeurs de l’océan. Les garder est généralement mon métier, mais aujourd’hui, je vais faire le contraire. Je suis un peu nerveux et j’espère que je n’en dirai pas trop.

Quel est le rôle du Département Commercial ?

La promotion des séries est au cœur des activités de Toei depuis plus de 50 ans. Après autant d’années, il était temps de rendre cela plus officiel en créant un département entièrement dédié à cette activité. Le Département Commercial crée des stratégies commerciales pour nos différentes séries, ou du moins en planifie.


Revenons quelques mois en arrière. Que pensez-vous de l’énorme engouement qu’a suscité le dernier acte d’Ohsama Sentai King-Ohger ?

Je suis vraiment reconnaissant envers tous les fans de King-Ohger, car cela n’aurait pas été possible sans eux. Le producteur Takahito Omori souhaitait dès le départ remonter les trois derniers épisodes en un « film version spéciale » destiné à être diffusé sur le Toei Tokusatsu Fan Club. Au départ, je voulais carrément le sortir au cinéma, mais je n’ai pu obtenir qu’un seul jour de diffusion privée pour les membres du Fan Club. C’est grâce à tous nos fans si ce genre de choses est possible et nous vous en remercions beaucoup. Nous aimerions refaire ce genre de choses à l’avenir.


Que pouvez-vous nous dire sur la série actuelle, Bakuage Sentai Boonboomger ?

Quand j’ai entendu le titre pour la première fois, j’ai pensé que c’était bizarre, mais… ça sonne plutôt bien, après tout. Malgré son étrangeté, il a une certaine aura. Et je peux vous dire que ce genre de titre, c’est du Yoshito Kuji (producteur) tout craché !

Chaque fois que vous lui demandez de décrire le sujet de la série, il répond avec un visage grave : « C’est une série qui pousse à se donner à fond la caisse ». Il le dit comme ça, froidement, mais d’une façon trop cool. Il est vraiment passionné, mais il n’ose pas le montrer. C’est quelqu’un de doux et gentil, en réalité.

Quand j’ai entendu Bun Red dire « Bakuage da na ! », j’ai crié « Ah, c’est pour ça, en fait ! »

Je pense que c’est une série qui a été réalisée avec beaucoup de soin.


Il paraît que les calendriers de production ont changé ?

Boonboomger suit toujours le cycle de production de King-Ohger, mais la série qui suivra aura deux mois d’avance. Tout à l’heure, j’ai parlé du rôle du Département Commercial, mais je n’ai pas tout dit. Son but n’est pas seulement d’étendre nos relations commerciales en ce qui concerne la propriété intellectuelle des diverses franchises, mais aussi d’améliorer activement les séries de toutes les manières possibles. De ce point de vue là, Kamen Rider Gavv est la première série à être réalisée avec ce nouveau cycle de production.

La première raison est de réduire le piratage à l’étranger. C’est effectivement un problème pour nous. Les personnes qui piratent nos programmes sont de grands fans qui aiment nos séries, cela ne fait aucun doute, mais d’une certaine manière, ils leur font du mal. Ce que je veux dire par là, c’est que lorsque ces personnes se font une opinion sur les séries avant leur sortie, elles sont en mesure d’influencer l’opinion des fans qui attendent la sortie officielle. Par exemple, lorsqu’une nouvelle série débutera, les plateformes de streaming seront inondées de commentaires tels que « Si tels jouets avaient été comme ceci, je les aurais achetés », « S’ils avaient fait ceci au lieu de cela, la série serait meilleure ». Et je ne parle même pas des spoilers… Ceux qui ont vus la série en la piratant noient toute autre conversation sur une série. L’un de nos objectifs était donc de réduire ce phénomène.

Une autre raison était simplement de réorganiser notre environnement de travail. Pendant des années, nous avons dû nous précipiter pour écrire, tourner, monter et diffuser chaque épisode, en ne nous accordant que très peu de temps libre. C’est évidemment très exigeant et il est très facile de dépasser le budget dans ces conditions. Mais ce récent changement dans notre calendrier de production devrait donner un grand coup de jeune à notre gestion budgétaire, ainsi qu’aux conditions de travail des acteurs et de l’équipe.

Nous avons décidé d’établir ce nouveau calendrier avec Gavv et de nous y tenir au cours des prochaines années. Tous nos projets à venir sont planifiés par rapport à cette nouvelle méthode de travail. Nous gérons ces franchises depuis 50 ans, mais j’ai l’impression que nous aurions dû faire ce changement il y a des années.


Quelles sont vos impressions sur Kamen Rider Gotchard ?

Eh bien, le producteur Yousuke Minato était sous mes ordres quand nous avons travaillé sur Avataro Sentai Donbrothers, c’était donc la première fois qu’il était producteur en chef. Évidemment, le contexte scolaire ainsi qu’un casting très jeune font qu’il se dégage une très forte énergie de cette série.

Il y a eu beaucoup d’objections sur le titre « Gotchard », mais Yousuke Minato s’est vraiment battu pour le faire valider. Il a dit qu’un titre finissant par « d » (qui se prononce « do » en japonais), comme Decade (« Dikeido ») ou Ex-Aid (« Exeido »), aurait plus de chances de plaire. Il a accepté nos critiques, mais il a réussi à nous convaincre.


Comment le changement de calendrier de production a-t-il affecté Kamen Rider Gavv ?

L’une des raisons du changement de production de Gavv est le système de censure chinois. C’est à ce niveau-là que le problème du piratage est le plus important. Il faut un certain temps pour passer le processus de censure, donc nous avons pensé qu’avoir trois mois d’avance serait bien. Nous n’avons pas pu être prêts à temps pour que la série débute en Chine en septembre (comme au Japon), mais le retard a été rattrapé. Depuis le 13 octobre, Kamen Rider Gavv est diffusé simultanément en même temps au Japon et en Chine, ce qui signifie que pour la première fois, les épisodes sortent avant de se faire pirater, et j’en suis très content.

Mais vaincre le piratage n’est qu’une partie du problème. Comme me l’a fait remarquer la productrice Naomi Takebe, cela a eu un effet bénéfique sur tous les aspects de la production, comme par exemple pour les acteurs. Le calendrier serré que nous avions auparavant signifiait que les épisodes devaient être prêts très rapidement. En nous donnant plus de temps pour filmer Gavv sans que quiconque ne le sache (la presse ou le public), cela a donné à tout le monde plusieurs mois supplémentaires pour se préparer et se mettre dans le rôle. Bien sûr, lorsque la série a débuté, toutes les critiques sont arrivées, ainsi que les interviews et les tournées de presse… La tranquillité des premiers mois a été perturbée, si l’on peut dire ça comme ça, mais en attendant, cela représente quand même trois mois supplémentaires pour que tout le monde se concentre mieux sur son travail. C’est ce qu’il y a de mieux dans tout ça.

Cela aide aussi pour faire la promotion des séries. Prenez les vidéos que nous faisons pour annoncer les séries : cette fois, nous avions beaucoup plus de rushs avec lesquels travailler. Même les effets spéciaux ont pu être finalisés à temps pour ces bandes-annonces. Il en va de même pour les bandes-annonces à la fin de chaque épisode. Naomi Takebe s’est demandée pourquoi nous devions être si courts en temps. Pourquoi est-ce que nous devons tout le temps nous dépêcher ? Pourquoi sommes-nous restés si coincés dans nos habitudes ? C’est vraiment une mauvaise habitude de Toei que je veux maintenant changer.


Pas de film d’hiver, cette année ?

Cette année, nous sortons le film Fuuto PI, et l’année prochaine, il y aura le V-Cinext de Gotchard. Quant aux « films d’hiver » que nous faisons depuis 2009, il n’y en aura pas cette année. Ni l’année prochaine, très probablement. On en revient à la mission du Département Commercial. La structure de nos séries et des films qui y sont rattachés change.

Donc, il y a les films d’été, les films d’hiver, et passé un temps, nous avions aussi des films de printemps. Maintenant, nous avons les V-Cinexts, qui sont généralement des épilogues à la fin d’une série, ou des films que nous faisons pour les anniversaires. Mais il y a aussi des projets comme Fuuto PI ou Shin Kamen Rider, qui sont dans leurs propres catégories. Il faut structurer tout ça. Cette question concerne principalement Kamen Rider, mais nous appliquerons aussi cet état d’esprit ailleurs, bien sûr.

Mais quand on parle de films Rider, V-Cinexts compris, la question est : quelle est la cible démographique ? Qui ciblons-nous ? Qui va les regarder et les apprécier ? Ce sont des questions auxquelles nous avons réfléchi jusqu’à l’année dernière. Nous devons vraiment définir notre public et faire des choses pour que différentes catégories démographiques puissent en profiter pleinement. Nous commençons tout juste à appliquer cette stratégie, et il y a encore beaucoup de choses que je ne peux pas dire, mais nous avons plusieurs projets en cours de réalisation que nous annoncerons en 2025.


Pouvez-vous nous donner des détails ?

Pour être plus précis, sans trop en révéler, nous avons en préparation un projet basé sur une série télé, un projet anniversaire basé sur une série précédente, et quelque chose qui ne sera basé sur aucune série du tout.

C’est parce que nous avons réalisé que seules les personnes qui suivent les séries télé comprennent nos films. Les fans de base seront évidemment présents pour tous nos films, mais avec le nombre croissant de personnages, certaines personnes, moi y compris, oublient certains Riders, leurs formes, etc… Ce n’est pas un problème pour les fans dévoués, mais le téléspectateur moyen sera complètement perdu. J’ai l’impression que nous avons aliéné une partie du public.

Je pense que nous devrions faire des choses que les personnes âgées comme moi peuvent aussi apprécier. Je pense sincèrement qu’il est important que quelqu’un qui ne regarde pas les séries puisse voir une bande-annonce et penser : « Ouah, ce film a l’air génial ! »

Ce qui a déclenché cette réflexion sont probablement Kamen Rider Black Sun et Shin Kamen Rider. Nous avons maintenant une certaine expérience grâce à eux. Je ne sous-entends pas que nous ne ferons pas à nouveau des choses comme celles-là à l’avenir, mais nous voulons maintenant faire des films que tout le monde peut apprécier, des films qui peuvent se suffire à eux-mêmes. Nous en avons déjà quelques-uns en préparation, j’espère donc que vous les attendrez avec impatience.


Alors que nous approchons du 50e anniversaire des Super Sentai, que pouvez-vous nous révéler sur l’avenir de la franchise ?

2025 sera l’année du 50e anniversaire de la franchise Super Sentai. Jusqu’à maintenant, nous avons célébré les anniversaires en fonction du nombre de séries, mais j’aimerais commencer à les célébrer en fonction des années. Avant, nous privilégions les séries qui se terminaient en 5, comme Kikai Sentai Zenkaiger qui est la 45e série, alors que nous étions dans la 46e année. Ou comme Gokaiger qui est la 35e série, etc… Mais pourquoi tant insister sur ces nombres qui se terminent par 5 ? C’est parce que nous voulions que ça corresponde aux anniversaires des Kamen Rider.

J’ai oublié qui a eu l’idée, probablement Suzuki Takeyuki (producteur), mais nous avons fait ces « doubles anniversaires » pour célébrer à la fois les Rider et les Sentai, sans trop que les Rider prennent toute la vedette quand même. C’est donc ce que nous avons fait au fil des ans, mais je pense qu’il serait préférable que nous arrêtions de trop associer Rider et Sentai. Ils devraient chacun avoir leur propre espace. C’est pourquoi nous réorganisons la façon dont nous comptons les Sentai.

Et puis, pour être honnête, nous ne sommes même plus sûr de combien il y a de Sentai à cause de Lupinranger VS Patranger, parce que le nombre d’années, le nombre de séries et le nombre de Sentai ne correspondent plus.

Ce n’est pas une réinitialisation totale du nombre ou quoi que ce soit, mais nous allons dorénavant ignorer le nombre de séries et le nombre d’équipes et allons simplement célébrer les anniversaires à partir du nombre des années. Et ça marche très bien, car si on compte les 2 équipes de Lupinranger VS Patranger séparemment malgré le fait qu’elles soient dans une seule série, on arrive à 50 Sentai pour les 50 ans de la franchise. C’est une chance qui ne se représentera pas, alors profitons-en.


Que pouvez-vous nous dire sur la série Super Sentai qui sera diffusée en 2025 ?

En 2025, après la fin de diffusion de Boonboomger, une nouvelle série mettant en vedette un nouveau Sentai prendra sa place.

L’autre jour, quand je sortais des locaux de Toei, j’ai croisé Ricardo, un vieux collègue Brésilien. Je lui ai dit : « Ça fait quoi ? Six ans qu’on ne s’étaient plus vus ? », et il m’a dit : Shirakura ! J’ai entendu parler du nouveau Sentai ! »

Tiens, on dirait que quelqu’un arrive…

La deuxième partie de cette interview sera diffusée le 29 décembre.

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